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Le potentiel de durabilité d'une façade

21 mars 2024

 


Projet avant-gardiste : à l’automne 2023, le nouveau Team 7 World a ouvert ses portes à Ried im Innkreis en Haute-Autriche.
© Kurt Hörbst



Les façades offrent une couche protectrice, doublée d’un attrait esthétique. Dans les années à venir, un autre aspect va s'imposer parmi les priorités : la durabilité. En effet, la communauté des architectes et des designers se sent elle aussi de plus en plus concernée par la problématique climatique et souhaite y apporter sa contribution. En 2024, nous allons vous proposer une nouvelle série d’articles consacrée au potentiel des façades pour être à la pointe dans ce domaine.

2023 a battu tous les records de chaleur par rapport aux relevés consignés depuis plus de 200 ans. Un constat qui donne à réfléchir mais qui doit surtout nous inciter à prendre les choses en main. Dans nos articles de 2024, nous allons nous intéresser aux « façades », qui gagnent en importance dans le secteur de la construction. En effet, les enveloppes de bâtiment bien pensées, voire intelligentes, peuvent apporter une contribution précieuse au débat sur le climat, un aspect important encore largement sous-estimé jusqu'à présent.

 



Le bois et ses qualités exceptionnelles sont à l’honneur chez Team 7. Une des valeurs centrales de l'entreprise, reflétées notamment sur la façade 
©  Kurt Hörbst

 

 

Notre premier exemple nous amène en Haute-Autriche, où le pionnier autrichien du mobilier écologique Team 7 a inauguré à l’automne 2023 son nouveau siège social sur 6.100m² : le Team 7 World. Les éléments naturels et la création de valeur ajoutée puisant dans les forêts régionales sont deux des piliers de l’entreprise, c’est donc sans surprise qu’elle a décidé de faire appel à un cabinet d’architectes local pour l’aider à développer un langage architectural traduisant ses valeurs. L’idée de durabilité dans ce projet ne se retrouve pas uniquement dans la façade, mais aussi dans son origine conceptuelle. L’idée de base était de créer un bâtiment écologique répondant aux normes de conception les plus élevées, sous la forme d'une construction en bois. Au lieu de déménager en rase campagne, Team 7 a décidé de rester sur son site du centre-ville et de le condenser. Outre les thèmes centraux tels que l'énergie photovoltaïque et les toitures végétalisées, le projet s’articule autour d’une construction à ossature bois de quatre étages. Elle est composée de colonnes en stratifié collé, avec une vaste structure de montants et de longerons, qui encadrent les généreuses  baies vitrées.

 

 

 


Ce projet a utilisé 5 500 mètres cubes de bois massif pour la réalisation des poutres, chevrons, plafonds et murs extérieurs. 1 000 mètres cubes provenaient des propres forêts de l’entreprise, le reste provenait de sources régionales 
©  Kurt Hörbst

 

 

Le focus structurel et esthétique sur le bois et ses qualités pour la construction rappelle les meubles en bois massif de qualité pour lesquels Team 7 est réputé. Les parois en ossature bois de la cour sont revêtues d'un coffrage en chêne vertical. Côté rue, un mur-rideau en aluminium constitue la protection structurelle en bois. La façade en métal foncé fait ressortir les lattes en chêne et crée un contraste marqué avec la structure en bois vitrée légère, visible à travers le vitrage intérieur. L'une des singularités du bâtiment, c’est qu’il fonctionne entièrement sans air conditionné. Une part considérable de la protection solaire est assurée par les balcons d’entretien et les lamelles en chêne suspendues. D’autre part, le bâtiment est équipé d’un système ingénieux de protection solaire naturelle, combinant auvents, écrans solaires et lamelles d’ombrage fabriquées en interne. Une ventilation de fenêtre intelligente à l’étage des bureaux permet de refroidir les locaux la nuit lors des saisons plus chaudes. Le bâtiment a ainsi un climat intérieur agréable garanti toute l’année, sans devoir recourir à des sources d’énergie.

 

 



Le Team 7 World fonctionne entièrement sans air conditionné grâce à la possibilité de ventiler via des ouvertures dans la façade, qui laissent entrer l’air frais nocturne
©  Kurt Hörbst

 

 

À l’avenir, les façades auront pour tâche de réduire considérablement les besoins en énergie, tout en améliorant la qualité de vie à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment. Le projet Nordø de Henning Larsen Architects A/S, construit dans le cadre de l'extension urbaine du quartier de Nordhavn à Copenhague, en est un bon exemple. Ce bâtiment de quatre étages, qui abrite des logements et des espaces commerciaux, repose sur un design multifonctionnel et flexible. La façade brun-rouge s'inspire du passé industriel du lieu et de la construction classique en blocs d’Østerbro. Tout le concept allie beauté et biodiversité.

 

 


Nordø de Henning Larsen Architects A/S fait partie d'un grand projet de développement urbain à Copenhague, auquel a participé l’architecte de la ville, Camilla van Deurs. L’objectif est de faire entrer Copenhague dans l’ère de la neutralité climatique, ce qui est déjà le cas de 86 % de la ville
© R. Hjortshöj

 

 

Le bâtiment a été livré en 2023 et se distingue notamment par sa façade végétalisée. Nordø est le premier bâtiment au Danemark à utiliser une solution de façade entièrement nouvelle. L’ensemble du projet a été conçu par Henning Larsen et développé en collaboration avec BG Byggros et Komproment et avec le soutien du Ministère danois de l’Environnement. Pour ce microclimat caractérisé par des vents forts, des températures froides et le sel de la mer, l'équipe a sélectionné des plantes présentant deux caractéristiques très différentes. Certaines plantes sont belles 365 jours par an mais n'ont par nature qu’une biodiversité faible, tandis que d’autres peuvent abriter jusqu’à 132 insectes indigènes différents. La façade a une capacité de tampon hydraulique contrôlée qui collecte l'eau de pluie du toit, assurant ainsi une irrigation continue aux plantes.

 

 


Le secret climatique de Nordø ? L'utilisation de plantes et la diversité des insectes, favorisées par les éléments spécifiques de la façade
© R. Hjortshöj

 

 

Partenaire du projet, BG Byggros a introduit divers processus assurant une absorption continue du CO2. Comme la phytomasse et la biomasse sont récoltées annuellement au sein de la ferme, le CO2 n'est pas stocké en raison de la libération de compost organique et de CO2, comme c’est généralement le cas, mais transformé en BioChar par pyrolyse. Ce BioChar peut ensuite être utilisé dans divers milieux de culture, où il agit comme un tampon nutritif précieux pour la croissance des plantes. La façade de Nordø est également équipée de capteurs qui mesurent l’impact sonore et thermique de la façade au niveau de la rue. Les simulations indiquent un potentiel de 15 % de réduction du bruit au niveau de la rue. Et grâce aux propriétés d'évaporation et d'absorption de la chaleur des plantes, la façade contribue à réduire la température de la rue en été.

 

 


Un point de repère rond : « Tip of Nordø » de Vilhelm Lauritzen Architects module et exploite parfaitement les charmes de la lumière naturelle
© Vilhelm Lauritzen Architects, COBE et Tredje Natur - Photo de Jakob Holmqvist

 

 

Juste à côté se dresse le nouveau point de repère « Tip of Nordø », conçu par Vilhelm Lauritzen Architects. Un bâtiment cylindrique de 60 mètres de haut, aisément repérable et identifiable et dont la façade est également remarquable, mais d’une tout autre manière. Celle-ci forme un élément structurel de 12 000 mètres carrés, avec un design et un angle d'inclinaison spécifiquement conçus pour filtrer la lumière naturelle selon les besoins et réguler les rayons du soleil. Grâce à leurs surfaces texturées et à leur revêtement en verre, les éléments à facettes de la façade ont une dimension et une proportion de vitrage qui varient en fonction des simulations météorologiques par heure. Il y a six variantes au total.

 

 



Étroit au sud, large au nord : la façade régule de manière optimale l’apport de lumière en toute autonomie
© Vilhelm Lauritzen Architects, COBE et Tredje Natur - Photo de Jakob Holmqvist)

 

 

Cela permet d’éviter la surchauffe en été, de réduire la consommation d’énergie et de créer d’excellentes conditions d'éclairage naturel, qui développent leur propre dynamique grâce, entre autres, à la réflexion de l'eau.  Tout est pensé dans les moindres détails : les éléments côté sud, où la façade est la plus exposée à la lumière naturelle, sont plus étroits que ceux qui sont orientés à l’ouest, à l’est et au nord. Et ils s’élargissent progressivement afin d'augmenter la quantité de lumière qui pénètre dans le bâtiment.

 

 



La façade arbore une construction fascinante au service des objectifs climatiques
© Vilhelm Lauritzen Architects, COBE et Tredje Natur - Photo de Jakob Holmqvist

 

 

Timo Ranta et Jukka Turunen se sont associés au pionnier finlandais de la construction en acier Aulis Lundell Oy et l’architecte Matti Kuittinen, pour concevoir à Lohja (Finlande) la maison à ossature Pyörre, selon les principes cradle to cradle. Ils ont donc suivi tout le cycle des matériaux. Ce qui est particulier dans ce projet, ce n'est pas seulement l'empreinte écologique, mais aussi la planification dès le départ de la période après le cycle de vie du bâtiment. Pour cela, ils ont établi un bilan des matériaux de la maison, indiquant la proportion de matières premières recyclées et renouvelables, ainsi que le potentiel de recyclage des différents matériaux à la fin du cycle de vie, dans le cas où on déciderait de démolir la maison. Plusieurs nouvelles innovations ont également été implémentées pour garantir une construction à faible empreinte carbone. L'utilisation de plantes, de bioplastiques et de béton recyclé, notamment, a permis de réduire drastiquement la teneur en carbone. Le résultat mérite d’être souligné : 15 % des matières premières utilisées sont renouvelables, 22 % sont recyclées et 82 % peuvent être valorisées sous forme de matériaux ou d'énergie.

 

 


L’acier est injustement stigmatisé car il aussi de bons côtés. La maison Pyörre de Matti Kuittinen est un des meilleurs exemples
© Nina Kellokoski

 

 

La charpente, par exemple, a été fabriquée à partir de déchets automobiles recyclés et de laine de nettoyage provenant de verre recyclé, mais aussi à partir d'acier, que l’on pourra réutiliser à la fin de la vie du bâtiment. L’acier a un cycle de vie quasi infini grâce à sa recyclabilité. Pour l’architecte Matti Kuittinen, c’est la responsabilité du concepteur de réfléchir au-delà de la durée de vie du bâtiment, jusqu’à sa démolition. L’objectif étant de maximiser la proportion de matériaux recyclés, recyclables et renouvelables. L’acier est un matériau flexible qui se prête aux formes organiques, mais pas seulement. Grâce à sa robustesse, l’acier est plus léger que d’autres matériaux et quasiment 100 % recyclable. L’acier est également flexible dans le réaménagement de bâtiments et de constructions, facile à démanteler, séparer par variété et, par conséquent, facile à recycler. La construction repose en outre sur des pieds en acier, ce qui signifie aucune occupation du terrain.

 

 



Au terme de son cycle de vie, le bâtiment peut être entièrement démantelé et recyclé
© Nina Kellokoski

 

 

Nous terminerons par un petit détour au Mexique, où le concept signé par l’architecte Francisco Pardo pour une résidence secondaire n’est pas une façade au sens classique du terme, mais plutôt une sorte de « cinquième » façade ajoutée au bâtiment. C'est dans la région rurale des lacs de Valle del Bravo, à environ deux heures de Mexico que se trouve la Casa Aguacates, la « maison avocat », construite à la demande d'un couple de passionnés de deltaplane, juste à côté d'un champ d'avocats, d'une forêt dense et d'un ravin. Pour ne pas altérer ou détruire ce tableau naturel idyllique, ils ont décidé d’enterrer leur maison, au sens propre. Par conséquent, les avocatiers s’étendent au-dessus de la structure discrète, qui donne directement sur la cime des arbres de la forêt.

 

 


Aucune façade : la maison avocat est entièrement enterrée dans le sol
© Sandra Pereznieto

 

 

La « cinquième façade » est le nom donné à la vue aérienne. Conçue avec autant de soin que les autres, elle permet à la maison de s'intégrer naturellement dans son environnement. Cette solution assure également des conditions thermiques optimales dans une région où les fluctuations de température sont importantes entre le jour et la nuit, grâce à la couverture de terre qui maintient la maison à une température constante et confortable. À l'intérieur, la structure en béton nu est associée au chukum, un enduit naturel de la vallée du Yucatan, et à des cloisons en pin recyclé. Ce projet reflète dont avec subtilité la capacité de l'architecture à fusionner avec l'environnement naturel et à coexister avec lui dans une tension créative. La Casa Aguacates de Francisco Pardo se fond naturellement dans son environnement et incarne la symbiose dynamique entre l’architecture et la nature, le monde sauvage et la douceur d'un foyer.

 

 


La maison bénéficie du terrain environnant et s'intègre parfaitement dans son environnement
© Sandra Pereznieto

 

 

Cet article est une traduction retravaillée par Jan Hoffman d’un article de Barbara Jahn

 

Le potentiel de durabilité d'une façade
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