Pour la construction de la future médiathèque du quartier d’Etouvie à Amiens, le maître d’ouvrage Amiens Métropole a fait le choix de s’engager vers la frugalité. D’ici le printemps 2023, il devrait profiter d’un bâtiment vitrine en la matière conçue par l’agence d’architecture lilloise Béal & Blanckaert.
Par Julie Dumez
Les façades lors de l’isolation en béton de chanvre projeté © Julie Dumez
Dès le sommaire de ce nouvel équipement annonce la couleur : ventilation naturelle, puits canadien, matériaux biosourcés. Dans ce quartier politique de la ville à Amiens, la médiathèque fait d’ores et déjà figure de bâtiment démonstrateur. De ses 915 m2 de surface de plancher et 2,3 millions d’euros de travaux HT, on retiendra une ambition forte. “Nous avons orienté nos choix pour limiter la consommation d’énergie et l’impact carbone, y compris lors de la construction, avec les matériaux locaux et recyclables”, explique Florine Wallyn, architecte en charge du projet. A ses côtés dans le groupement de maîtrise d'œuvre, on retrouve les bureaux d'études Ingébois, Axoé, Symoé, Venathec et Gérald Villette.
.JPG)
La projection du chanvre via la lance à air comprimé © Béal & Blanckaert
Quand le béton projeté s’invite sur le chantier
Dalle en béton, structure en bois, l’opération se démarque par un choix encore singulier pour un équipement public d’une isolation en béton de chanvre projeté. Réalisée en fin d’année dernière, elle est le fruit du travail des compagnons de Pi-Oeuvre, entreprise basée dans l’Orne. A l’aide de lances à air comprimé, ces derniers ont projeté dans les murs à ossature bois, un mélange de chènevotte (paille de chanvre) et de lait de chaux. Soit trente centimètres ensuite dressés à la règle, le panneau de Fermacell de 18 mm servant de fonds de coffrage d’un côté et de finition à l’intérieur. A l’extérieur, un enduit chaux-sable assurera la finition grâce à ses propriétés de résistance mécanique aux chocs et l’étanchéité à l’air. Afin d’éviter les remontées d’humidité, une garde d’eau en pied de façade par un muret béton protège ce mélange biosourcé, tandis qu’une casquette en toiture préserve de la pluie.
Bien que reconnue par le CSTB et sans surcote d’assurance, cette mise en œuvre conforme aux règles professionnelles peut dérouter, pare-pluie, pare-vapeur et autres vides techniques disparaissant… « C’est assez nouveau pour les compagnons des autres corps d'État, raconte Florine Wallyn. Il faut être pédagogique pour expliquer l’ensemble de notre démarche et les répercussions des actions des uns et des autres, notamment lors des passages des divers réseaux ».
L’intérieur du projet se démarque par ses finitions en matériaux bruts et par l’absence de poteaux facilitant un aménagement flexible à l’envi © Julie Dumez
Bâtiment performant
Pour cette conception bioclimatique, la consommation d'énergie liée au chauffage sera d'environ 77 kWh/m². an, grâce notamment à une enveloppe performante. L’usage de puits canadien permettra en outre d'insuffler un air intérieur à 13 °C et donc de limiter le recours à la chaufferie biomasse communautaire. Avec en plus sa ventilation naturelle assurée par trois cheminées, véritables marqueurs architecturaux, la future médiathèque s’inscrit dans une démarche low-tech. De quoi par là même offrir une maintenance minimale pour toujours mieux maîtriser les coûts d’exploitation, surtout en cette période d’explosion des tarifs de l’énergie. L’atmosphère du lecteur sera par ailleurs réchauffée grâce aux parti-pris architecturaux. Afin de s’assurer d’un maximum de flexibilité, l’absence de poteaux permet la mise en place de cabanes démontables (ou micro-architecture) offrant de multiples fonctions selon les besoins. Epilogue prévu d’ici quelques semaines !